Hello les ami.es, j’espère que vous allez bien ! Je vous retrouve aujourd’hui avec le parcours de Irène Hirzel, une femme qui se bat en Suisse en faveur des femmes qui pratiquent la prostitution. Le nombre des personnes vendues et réduites en esclavage dans le monde s’élève à environ 21 millions. Chaque année, il s’en rajouterait 2,5 millions, affirme Gabrielle Desarzens, l’auteur du livre Paroles aux femmes : au Sud comme au Nord, elles changent le monde. Découvrez son récit.

J’ai travaillé 10 ans auprès des femmes prostituées des quartiers chauds de Bâle. Le premier bordel que j’ai visité était dirigé par une femme suisse. Quelques filles légèrement vêtues étaient assises en cercle et attendaient le client. On a commencé à parler. « Vous venez d’où ? Je voudrais savoir ». « Je viens du Cameroun. J’aimerais y retourner bientôt. J’y ai des enfants et je n’aime pas vivre ici ». J’ai découvert très vite que toutes sont là pour les mêmes raisons : elles espéraient gagner de l’argent pour leurs proches et elles avaient atterri en Suisse parce qu’elles n’avaient aucune perspective d’avenir dans leur pays d’origine. Au milieu de nos discussions, un client est arrivé. Après avoir bu un verre avec la tenancière du bordel, il a pris la Camerounaise dans la chambre à côté. C’était ma première visite dans un bordel. J’en suis ressortie profondément choquée.

Ces femmes avaient besoin d’être entendues et je suis allée les voir en prison, à l’hôpital, les ai aidées à trouver un appartement. J’ai visité des dizaines de bordels et entendu des centaines d’histoires qui se ressemblaient toutes dans leurs espoirs déçus et dans le fait d’être devenues les objets d’un trafic sordide. A chaque fois, je voyais qu’on les traitait comme des organes vivants à consommer en 10 minutes dans nos villes, nos quartiers.

Sabrina était venue d’Amérique latine. Elle prenait des cours d’allemand avec moi. Un jour, elle a été arrêtée par la police et expulsée en Allemagne en tant que prostituée illégale. Grâce à ses connaissances de la langue allemande, elle a pu mendier quelques sous et nous téléphoner. Je l’ai retrouvée dans un hôtel minable. Elle pleurait et me disait combien elle se sentait sale. Elle m’a raconté des brides de sa vie : « Mon compagnon nous a quittés mon fils et moi en raison de ma forte consommation de drogue. Je n’ai pas réussi à trouver du travail. Ma mère est tombée malade. Je n’avais pas d’argent pour la scolarité de mon enfant ni pour l’hospitalisation de ma maman. Une connaissance est une fois venue me trouver et m’a parlé de super jobs qui étaient possibles en Suisse. Elle m’a dit que je pourrais gagner jusqu’à 7 000 francs suisses par mois. Après quelques hésitations, j’ai signé un papier. J’avais compté pouvoir être de retour après trois mois. La dame en question a tout organisé. Mais aussitôt arrivée en Suisse, j’ai dû rembourser l’argent avancé en me prostituant. Je ne le voulais pas, mais ne pouvais faire autrement. Je suis ici depuis 02 ans et j’ai toujours des dettes ! ».

La réalité de l’esclavage moderne

A L’écoute de ce témoignage, j’ai été accablée. La plupart des gens connaissent l’esclavage à partir des livres d’histoire, en relation avec la Rome antique, les serfs du Moyen-Age ou les Noirs africains déportés en Amérique au cours de la colonisation. Aujourd’hui, le trafic d’êtres humains est interdit. Malgré cela, on vend encore plus de personnes que jamais. En suisse, le service de coordination contre le trafic et le commerce d’êtres humains (KSMM) estime que 1500 à 3 000 femmes sont vendues dans notre pays chaque année. Ces chiffres datent de 2003 et doivent être aujourd’hui largement dépassés. La présence des prostituées dans nos villes montre que ce trafic se déroule non pas en secret, mais ouvertement sous nos yeux. C’est à l’écoute de Sabrina que j’ai compris que j’étais en présence d’une de ces victimes, qui comprend aussi le travail forcé et le prélèvement d’organes.

Ce fut toute une aventure pour l’aider. On l’a d’abord transportée en voiture dans un autre pays, se serait-ce que pour échapper à ses trafiquants. Et puis elle est rentrée auprès de son enfant et de sa mère. On a pu l’aider à reprendre pied dans sa vie et j’ai reçu un jour une lettre de sa part avec un dessin fait par son fils de 08 (huit) ans qui avait écrit dessus : « Merci d’avoir aidé ma maman ».

Je me suis sentie très motivée à soutenir d’autres femmes dans des situations similaires. En tant que femme, en tant qu’être humain et chrétienne, je, déclare Irène, ne me suis plongée dans la problématique, et j’ai perçu que ces femmes n’avaient aucune voix, soit chez elle, soit en Suisse. Plusieurs questions m’ont préoccupée : comment les aider ? Comment les soutenir ? comment travailler en leur faveur avec les autorités ? comment les aider efficacement dans leurs pays d’origine ?

Je me suis donc consacrée aux projets qui luttent contre le trafic des femmes et des enfants dans le domaine de la prostitution. J’ai pour ce faire, intégré la Mission chrétienne pour les pays de l’Est qui a des antennes dans les pays d’origine de ces victimes et où elle fait la prévention et de l’aide au retour. Le trafic d’êtres humains est un délit terrible qui laisse chez les victimes des traces à vie. Selon un rapport actuel de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), l’exploitation sexuelle, avec près de 80% des cas, constitue la forme la plus courante de cet esclavage réduit en esclavage, 16,6% millions se trouvent dans une prostitution forcée, dont les trois quarts sont des femmes (59% de femmes adultes et 17% de jeunes filles). Ces chiffres sont basés sur des enquêtes réalisées dans 132 pays.

J’ai rencontré Oxana, une jeune femme originaire de Moldavie. Son père est mort quand elle avait 7 ans. Depuis, sa mère a connu des problèmes d’alcool et négligé ses enfants. Elle ne cuisinait plus et ne leur achetait plus de vêtements. Oxana s’est occupée de ses deux plus jeunes sœurs et de son frère. Elle a malgré tout terminé ses classes avec de bonnes notes. La recherche d’un travail s’est avérée négative et elle a travaillé comme saisonnière dans les champs. Elle entendait souvent qu’il était plus facile de gagner de l’argent à l’étranger. Un jour, un de ses cousins lui a dit avoir entendu de la bouche d’une femme de la ville voisine qu’on recherchait une jeune fille en Turquie. La femme en question pouvait tout lui arranger. Oxana, âgée alors de 18 ans, a accepté. A l’aéroport, elle a été remise entre les mains d’un homme qui accompagnait déjà d’autres jeunes femmes. En Turquie, elle a été conduite dans un hôtel avec 15 autres filles. C’est seulement là qu’elle a compris qu’elle avait été vendue. Elle a immédiatement été sexuellement exploitée, n’a reçu que peu à manger et ne devait parler à personne. Quand elle a essayé de s’échapper, elle a été rattrapée brutalement menacée et on lui a rappelé qu’elle est débitrice de beaucoup d’argent. Son histoire est celle de centaines d’autres filles. En espérant avoir un avenir meilleur, elles tombent dans les filets de marchands d’esclaves modernes.

Projets de prévention

En effectuant plusieurs voyages sur place, j’ai mieux compris les rouages de ce trafic et les raisons qui font que les femmes tombent à la merci de ces esclavagistes. Il y a d’abord la pauvreté, les conflits et le manque de perspectives qui motivent des femmes et des enfants à s’exiler. Il y a ensuite la discrimination, notamment dans certains pays asiatiques, qui pousse les parents à vendre leurs filles, quand elles ne sont pas purement et simplement volées. Il y a enfin la mauvaise gestion asiatique et la corruption qui laissent toute une fraction de la population sans avenir. La Moldavie, le pays européen le plus pauvre actuellement, en est un cruel exemple. C’est pourquoi, les projets de prévention me tiennent particulièrement à cœur, d’autant plus que nous essayons non seulement de protéger les plus vulnérables, mais aussi de leur offrir des perspectives professionnelles. Le travail parmi les orphelins, victimes potentielles du trafic des êtres humains et des pédophiles porte un exemple toujours plus de fruits. Alors que plusieurs d’entre eux disparaissent purement et simplement sans que personne ne se soucie d’eux, nous leur offrons un avenir dans lequel s’inscrire, notamment en leur trouvant une famille d’accueil. Ce sont des centaines d’enfants qui peuvent être sauvés.

Prises au piège

Ces femmes n’ont ni salaire ni temps libre, elles ne connaissent ni les lieux où elles atterrissent, ni la langue. Souvent, elles ne savent même pas dans quel pays elles se trouvent.  Après quelques semaines, elles sont transférées dans un autre bordel ou elles font le monde extérieur que par leurs clients. Elles n’ont pas d’autres choix que de mettre leur corps à disposition 24h sur 24h afin de rembourser les « dettes » incroyablement élevées qu’elles ont contractées vis-à-vis de leur souteneur qui a financé leur billet d’avion, les formalités et les frais en tant qu’intermédiaire. Très souvent, on leur prend leur passeport après leur arrivée à destination. Sans aide extérieure, elles n’ont pratiquement aucune chance de s’en sortir.

Les dangers de la pornographie  

Plusieurs victimes sont utilisées pour des productions « hardcore », une industrie qui profite du silence de nos sociétés. Tous les jours, dans le monde, on recense 116 000 visites de sites web de pornographie pédophile. Les victimes de l’industrie du sexe sont de plus en plus jeunes, et les clients aussi : moyenne d’âge de la première consommation de pornographie est en constante baisse. Elle se trouve actuellement aux environs de 11 ans. Les jeunes de 11 à 17 ans font partie des plus grands groupes de consommateurs de pornographie. Et je reste effarée de constater combien la pornographie est devenue une addiction pour beaucoup. Dans les différentes prises de parole que j’entreprends maintenant, je parle toujours de ce lien entre trafic des êtres humains et industrie du sexe.

Je crois fermement que si la société comprenait mieux la souffrance des victimes de ce marché, elle parviendrait à se mobiliser pour briser le tabou qui l’environne et qui lui permet de perdurer.

Avec ces mots, prend fin le récit de Irène. Il reste beaucoup à faire pour éradiquer ce fléau de la prostitution qui gangrène la société et qui hypothèque la vie des femmes et jeunes filles. Puisse plusieurs femmes se lever pour s’engager à les aider à en sortir 🙏.

Je vous propose bientôt de découvrir une autre femme courage qui s’active à transformer positivement la vie des personnes dans le besoin autour d’elle. Restez connecté !

Bye !!

OLIDI

Crédit photo : google, page Twitter de Irène Hirzel

(Visited 34 times, 1 visits today)