S’il est un secteur aujourd’hui en pleine croissance au Burkina Faso, c’est bien celui de la promotion immobilière. Le Burkina Faso compte plus de deux cents sociétés immobilières. Ces sociétés semblent être un véritable moyen de prospérité. Il n’est donc pas exclu qu’elles puissent être exploitées comme de véritables mines d’or par des personnes de mauvaise foi aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. En cela, il devient un impératif pour ces sociétés d’être vigilantes afin de contribuer efficacement à la lutte contre ces infractions.

Toutefois, avant tout développement relatif à la substance de cette thématique, il semble important de rappeler la législation sur la promotion immobilière et celle relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et d’apporter des précisions relatives à la terminologie. En effet, la promotion immobilière au Burkina Faso est régie par la loi n°057-2008/AN du 20 novembre 2008 portant promotion immobilière au Burkina Faso. En son article 2, il ressort que la promotion immobilière consiste non seulement à réaliser ou à faire réaliser les opérations d’urbanisme et d’aménagement définies par le code de l’urbanisme et de la construction au Burkina Faso mais également à l’édification, l’amélioration, la réhabilitation ou l’extension de constructions sur des terrains aménagés. Pour l’exercice cependant de l’activité de promotion immobilière, un arrêté du Ministre de l’urbanisme et de l’habitat portant octroi d’agrément d’exercer ladite activité est nécessaire.

En matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la loi 016-2016/AN y relative est le dispositif juridique national qui régit la question. En son article 7, cette loi fournit une approche suffisamment détaillée sur les éléments d’incrimination du blanchiment de capitaux qui permet d’avoir une vue d’ensemble de son contenu. C’est ainsi que l’infraction de blanchiment de capitaux est appréhendée comme celle constituée des agissements intentionnellement commis que sont :
a) La conversion ou le transfert de biens, par toute personne qui sait ou aurait dû savoir que ces biens proviennent d’un crime ou délit ou d’une participation à un crime ou un délit, dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens, ou d’aider toute personne impliquée dans cette activité à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ;
b) La dissimulation ou le déguisement de la nature, de l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété réels de biens ou des droits y relatifs, par toute personne qui sait ou aurait dû savoir que ces biens proviennent d’un crime ou délit ou d’une participation à un crime ou délit ;
c) L’acquisition, la détention ou l’utilisation de biens, dont celui qui s’y livre, sait ou aurait dû savoir, au moment où il les réceptionne que ces biens proviennent d’un crime ou délit ou d’une participation à un crime ou délit ;
d) La participation à l’un des actes visés aux points a), b) et c) le fait de s’associer pour le commettre, de tenter de le commettre, d’aider ou d’inciter quelqu’un à le commettre ou de le conseiller, à cet effet, ou de faciliter l’exécution d’un tel acte.

Dans le même sens, l’article 8 de la même loi appréhende l’infraction du financement du terrorisme comme tout acte commis par une personne physique ou morale qui par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, a délibérément fourni ou réuni des biens, fonds et autres ressources financières dans l’intention de les utiliser ou sachant qu’ils sont utilisés, en tout ou en partie, en vue de la commission :
a) D’un ou de plusieurs actes terroristes ;
b) D’un ou de plusieurs actes terroristes par une organisation terroriste ;
c) D’un ou de plusieurs actes terroristes, par un terroriste ou un groupe de terroristes.

A présent, il convient de s’interroger sur comment les sociétés immobilières peuvent contribuer à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au regard du droit positif ?

A cette question, une réponse s’impose : Adopter des mesures préventives en activant les mécanismes juridiques consacrés à cet effet. Toutefois, avant la mise en œuvre de ces mesures de prévention, les sociétés immobilières tout comme toute autre personne assujettie à l’obligation de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme devront satisfaire à un préalable légal : l’obligation d’évaluer les risques de blanchiment de capitaux et de financement de terrorisme auxquels, elles sont exposées sur le fondement de l’article 11 de la loi 016-2016 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Au regard de cette disposition, les sociétés immobilières tout comme les autres personnes assujetties doivent prendre des mesures appropriées afin d’identifier et d’évaluer les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme auxquels elles sont exposées. A cette fin, ces sociétés doivent disposer de politiques, de procédures et de contrôles pour atténuer et gérer les risques identifiés. Ces politiques, procédures et contrôles doivent notamment porter sur la vigilance à l’égard de la clientèle, la déclaration, la conservation des documents et des pièces et le contrôle interne.

Pour la mise en place de ces mesures pour l’évaluation des risques, la loi exige d’obtenir l’autorisation de la hiérarchie. Parlant des sociétés immobilières, l’on peut légitimement soutenir que l’autorité hiérarchique dont il question est le Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat. Dès lors que ce préalable est satisfait, il convient de mettre en œuvre les différentes mesures préventives. Elles peuvent être de trois types. Il s’agira d’une part de la mesure tendant pour les sociétés immobilières à interdire leur clientèle de payer en espèces dans les transactions immobilières au-delà d’un certain seuil fixé par l’autorité. D’autre part, il s’agira des mesures de vigilance accrue que les sociétés immobilières devront adopter. Enfin, la dernière mesure préventive consistera pour elles d’activer leur droit d’alerte.

La suite dans un prochain article !

Sosthène Edgar Dabiré

Juriste Droit privé

Crédit photo: pixel.com

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