La dot est une vieille pratique qui a existé et continue d’exister dans certaines sociétés africaines. Le lien matrimonial y est scellé suivant une procédure traditionnelle. Cette méthode d’unir les époux se fait par l’intermédiaire de la dot appelée aussi mariage coutumier ou traditionnel[1].
Elle constitue un ensemble d’objets et de cadeaux en espèces ou en nature, offert par la famille du fiancé, à celle de la fiancée pour exprimer l’hommage que la famille demanderesse rend à la belle famille et à la femme.
Bien que certains auteurs ne la considèrent pas comme une modalité dotale, la prestation de service[2] constitue aussi la dot. Le prétendant accomplit diverses tâches d’ordre physiques pour la famille de la future épouse : travaux champêtres, la construction de cases…
Quelle place occupe-t-elle dans nos sociétés traditionnelles ?
La dot est un symbole d’alliance entre les familles. La femme devient épouse lorsque la dot est versée partiellement ou intégralement. Elle est donc une condition de légitimation de toute union, d’où elle s’impose comme une obligation sociale et morale qui forme le mariage. Ainsi, elle occupe une place importante dans le mariage traditionnel puisqu’elle scelle définitivement le mariage. Elle permet de rendre le mariage légal aux yeux de la communauté.
Est-elle admise dans le droit burkinabè ? si non, pourquoi ?
Dans les sociétés africaines contemporaines, les avis divergent par rapport à l’utilité et la légitimité de cette pratique au regard du respect des droit de l’homme et de la promotion des droits de la femme que prônent plusieurs pays. Certains codes des personnes et de la famille en Afrique de l’Ouest l’interdisent, plus particulièrement celui du Burkina en son article 244 : « le versement d’une dote soit en espèces, soit en nature, soit sous forme de prestations de services est illégal[3] ».
Cependant, aucune sanction ni civile ni pénale n’est expressément prévue pour ceux qui violeraient cet article. Sans doute parce que le législateur burkinabè s’est rendu compte que la sanction de cette règle coutumière risquerait de s’appliquer à une importante partie de la population du fait de son enracinement dans la société.
Les raisons qui sous-tendent cette interdiction :
– D’abord, elle porte atteinte aux droits de l’homme, en particulier à ceux de la femme. Elle est parfois à l’origine des violences conjugales à l’égard des femmes, vu qu’elle est interprétée comme étant un prix d’achat de la femme[4]. Donc, le fait que la famille du mari verse la dot à celle de la future épouse, est un obstacle considérable quand les femmes tenteront de sortir d’une relation d’abus, où elles sont parfois battues dans des situations désespérantes d’infériorité, de subordination étroite dans lesquelles la coutume la maintient. Car, s’il existe quelques obligations que la coutume met à la charge du mari, elles se résument dans l’obligation de diriger sa femme, voire de la corriger et d’assurer sa subsistance. Celui-ci se considérant comme ayant droit de vie ou mort sur elle en la chosifiant dans des cas extrêmes. Même si l’acceptation de la dot n’est pas synonyme de maltraitance de leur fille.
– Ensuite, la dot porte atteinte à la liberté des femmes veuves ou divorcées, qui reste compromise lorsque la dot n’est pas remboursée. En effet, ayant pour rôle de sceller le lien matrimonial entre les deux familles, une fois qu’elle n’est pas restituée après la disparition ou séparation de l’époux, la femme est toujours considérée comme appartenant à la famille du défunt époux. La veuve a donc une alternative, soit elle s’acquitte de la dot et se libère du joug de celle-ci, soit elle accepte d’épouser un membre de la famille de son défunt époux[5]. Si la femme s’entête à se marier à un autre homme sans avoir restitué la dot, les enfants issus du nouveau mariage appartiennent à la famille du défunt époux en raison du rôle de légitimité des enfants que joue la dot. Car, lorsqu’un homme paye la dot, il est censé être le père des enfants que porteront la femme dotée.
– En outre la dot est une violation des droits de l’homme en ce qu’elle empêche les jeunes hommes sans grands moyens financiers de se marier, car incapables de payer la dot. Le paiement de la dot devient donc un obstacle à l’accès au mariage.
– Enfin, elle est considérée comme source de déséquilibre économique et peut constituer un frein au développement, car en Afrique le désir de paraître conduit à des dépenses somptueuses qui pourraient pousser à s’endetter et ainsi utiliser des procédés irréguliers. Elle pourrait favoriser l’escroquerie de certains chefs de familles malhonnêtes qui n’hésitent pas à proposer en mariage à de nouveaux prétendants, leur fille déjà donnée ou promise en mariage.
En somme, bien que controversée et malgré son interdiction, les sociétés aussi bien traditionnelles que modernes continuent d’user de cette pratique. Beaucoup la considère comme facteur de stabilité du mariage et faisant partit des droits culturels inhérents à la société africaine.
[1] Le mariage traditionnel est le contrat par lequel le chef de famille agissant au nom et pour le compte de la famille, engage une jeune fille, sur laquelle il exerce la puissance paternelle, avec ou sans le consentement de celle-ci, dans les liens conjugaux avec un homme, membre d’une autre famille, qui est lui, représenté par son chef et moyennant la contrepartie définie par la coutume de la jeune fille. Toutefois, de nos jours, les traditions ont évoluées : les mariages où le consentement de la jeune fille n’est pas requis, sont de plus en plus rares
[2] Ce type de dot appelé encore “dot à la Jacob“ (en souvenir des sept ans de service fait par Jacob chez Laban pour obtenir la main de Rachel sa future épouse), permet de vérifier les aptitudes du futur époux à nourrir sa future épouse.
[3] L’adjectif illégal caractérise un acte prohibé par la loi ou une disposition règlementaire.
[4] Le versement d’une somme d’argent versée par le futur époux au père de famille en vue d’obtenir sa jeune fille, prend de plus en plus le caractère juridique de prix d’achat de celle-ci. Cela altère la nature du mariage qui est transformée en véritable vente.
[5] Lévirat.
OLIDI
Trop édifiant et instruisant cet article !
Mais vue que l’on est à la relecture du code des personnes et de la famille burkinabè quelle serait les éventuels effets au cas où le législateur agirait dans les cas suivant par rapport à la dot:
– prévoir des sanction pour l’effectivité de l’article 244 du CPF ,
– prohiber avec rigueur cette pratique dotale,
– légaliser la dot en fixant un prix plafond et/ou plancher ou sans en fixer à l’instar du CPF ivoirien ?
Merci Tewouya pour ton commentaire. Par rapport à tes préoccupations, je peux dire ceci:
Le droit régit notre société certes, mais le législateur tient compte très souvent des contextes sociaux économiques et culturelles pour ériger et adopter des lois. De ce fait, je suis assez dubitative quant à l’effectivité des sanctions de l’article 244 du CPF en cas de relecture de celui ci. Également, il sera assez difficile de supprimer la pratique dotale des pratiques coutumières et traditionnelles au Burkina. Car, elle a une connotation significative dans les moeurs (US et coutumes qui peuvent également être source de droit. Voyez à ce sujet votre cours d’IED).
Enfin, la possibilité d’établir un plancher pour recadrer la dot au Burkina est également une perspective peu envisageable, en ce sens que la dot est fixée par les parents de chaque jeune fille burkinabè, qui sont eux de coutumes et ethnies différentes. Comment exiger que la dot soit unique et pareille pour tous, alors que les visions des ethnies burkina sont différentes. Il y’a plus d’une trentaine d’ethnies au Burkina, et on ne peut imposer un plafond que tous doivent respecter, à mon avis.
Merci une fois de plus !